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  • : L'anorexie mentale... pour les nulles
  • : Voici le guide de l’anorexie pour les nulles ! Jeune adulte, atteinte d’anorexie mentale, aujourd’hui sur la voie de la guérison, je souhaite partager mon expérience par des chroniques concrètes, drôles et décalées, sur des questions dont les réponses m’ont tant manquées. Des questions les plus basiques, que l’on n’ose poser à personne, aux plus profondes, tout sera traité, sans fausse pudeur, ni tabou, mais en sachant garder un peu de légèreté. A l'usage des malades, et de leur entourage.
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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 18:36

 

 

fleur1Aujourd’hui je n’ai pas envie de sourire. Pas trop envie de plaisanter, pas envie de chercher de bons mots. Pas envie de vous faire rire. La raison ? Je suis fatiguée. J’ai des nausées, la tête qui tourne. Dans la rue, j’ai du mal à avancer. Je me demande même comment je vais réussir à rentrer. Mon corps est lourd, je suis épuisée. Ma tête est lourde, je suis si fatiguée. Parfois je vois tout flou. Parfois le sol se dérobe sous mes pas ; je me retiens au mur pour ne pas tomber. Je transpire. Je n’ai pas chaud. Je transpire. Je n’avais jamais transpiré de ma vie. Je suis vraiment fatiguée. On me parle. J’ai du mal à suivre. On me parle encore, je dois me concentrer pour faire comme si ça allait. Parfois il y a maman. Je ne sais pas ce qu’elle dit. Toute mon énergie est déployée à faire semblant que je la comprends, à me retenir pour ne pas vaciller en pleine rue, à hocher la tête d’un air entendu. Mais je ne peux pas faire plus. Donc ses mots… je ne sais pas ce qu’elle dit. Oui oui, tout à fait. Ah non ! Oui, je suis bien d’accord. Je m’appuie contre une rembarde, l’air de rien. Non non tout va bien. Je me sens lourde. J’ai sommeil. Je sens mon cœur qui bat. Il bat fort, j’ai mal à la poitrine. Ça me fait peur, je ne veux pas y penser. Je transpire encore. Mes pensées suivent ce rythme : je pense court, hâché. Je m’entends parler en décalé, ça résonne. Par contre ça ne raisonne pas. Je cherche mes mots. Est-ce qu’elle le voit ? Non ça… ça ne vient pas, je ne me souviens pas.

Arrivée chez moi, je m’allonge. Et je m’endors. Tout de suite. Urgemment. C’était vital.

Voilà. Ca vous est arrivé n’est-ce pas ? Et pas qu’une fois. Plus le temps passe…

Au début, quelle fierté !

C’est dur à avouer.

C’est dur à s’avouer.

J’ai mis longtemps à le formuler. Oui, j’étais contente de m’être mise dans cet état là et d’avoir réussi à le cacher. Ca voulait dire que j’étais la plus forte. Dans le bras de fer entre l’âme et le corps, c’est bien l’âme qui l’avait emporté.

Je suis dualiste.

Enfin, j’étais.

Aujourd’hui pour tout dire, c’est devenu très embrouillé.

Mais jusqu’à peu, il y avait l’âme d’un côté et le corps de l’autre. Le Bien et le Mal. Celle qu’il fallait nourrir, celui qu’il fallait affamer.

Si je ne lutte pas, je continue à le penser. Que le corps c’est sale. Ou que c’est mal.

Et pour se libérer du corps, il fallait cesser de répondre à ses demandes. Il fallait être capable de s’en détacher.

Il a faim ? Je ne le nourris pas. Pas besoin.

Il demande du repos ? Je vais aller marcher, ça lui apprendra.

Il a mal ? Je vais continuer à le solliciter.

Un jour j’ai lu que les anorexiques avaient une résistance à la douleur complètement hors norme.

Quelqu’un de normal ne peut pas lutter contre la faim épouvantable que je me suis imposée. Contre les malaises atroces que je me suis infligés. Contre la fatigue, le sport, les activités intellectuelles encore et encore…

Ça voulait donc dire que j’étais plus forte que les autres ? Que j’endurais ce que personne n’était capable d’endurer ?

Ça m’a rassurée.

Démesurément rassurée.

Parce que je croyais que j’étais la plus faible. Celle qui ne savait qu’écouter son corps sans savoir lutter. Je regardais les autres : ils n’étaient pas fatigués, ils n’avaient pas faim, ils mangeaient vraiment beaucoup moins…

Alors non ? C’était moi la plus résistante ?

Oui.

Mourir de faim qui en est capable ?

Tenir debout avec mes 14 d’IMC, qui le fait ?

J’étais volontaire.

Voilà une qualité.

Je ne sais pas, ça m’a rassurée. J’avais là la preuve que j’avais une qualité.

Et que les maux que je me faisais endurer, personne d’autre ne pourrait les supporter.

Et moi qui croyais…

J’ai réfléchi.

Et c’est exactement là que j’ai commencé à guérir. Le jour où je me suis dit que ma force, ma volonté et mon courage, j’allais les employer à grossir. Si c’était bien vrai que je possédais ces facultés, et bien j’allais les détourner et arrêter de les laisser me détruire.

J’allais me prouver encore une fois que j’étais la plus forte.

 

Putain, j’allais m’en sortir.

 

Je me suis allongée et j’ai dormi.

Parce que mon corps l’avait réclamé.

 

 

 

 

 

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