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  • : L'anorexie mentale... pour les nulles
  • : Voici le guide de l’anorexie pour les nulles ! Jeune adulte, atteinte d’anorexie mentale, aujourd’hui sur la voie de la guérison, je souhaite partager mon expérience par des chroniques concrètes, drôles et décalées, sur des questions dont les réponses m’ont tant manquées. Des questions les plus basiques, que l’on n’ose poser à personne, aux plus profondes, tout sera traité, sans fausse pudeur, ni tabou, mais en sachant garder un peu de légèreté. A l'usage des malades, et de leur entourage.
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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 15:07

danseuse

Manuel de survie n°3 : la prise de poids

 


J’ai reçu beaucoup de messages de jeunes femmes en voie de guérison, qui prennent tout doucement du poids et qui s’inquiètent.

Et qui s’inquiètent.

Et qui s’inquiètent.

Genre gros nuage noir au-dessus de la tête, nœuds dans le cerveau, embrouilles compliquées à gérer.

Comme je vous comprends !!

Des embrouilles, on peut s’en faire. C’est normal ! Et pour plein de raisons !

Il y a des petites nanas qui sont encore à fond dans la maladie et qui n’arrivent pas à prendre du recul.

Il y a celles qui ne savent pas quoi manger, qui croient qu’elles mangent trop ou pas assez, pas comme elles veulent, pas comme il faut...

Il y a cette peur de perdre toute maîtrise, il y a celles qui veulent encore tout contrôler.

Il y a les jeunes femmes qui s’inquiètent de leur silhouette, présente et future. Et puis celles qui s’en moquent comme de leur dernière chaussette ! (je parle pour elles, moi je ne m’en moque pas de mes chaussettes. D’ailleurs j’aime bien les dépareiller artistiquement, genre une rose à rayures, une rose à pois, ça déclenche des levers de sourcils lorsque j’envoie balader mes baskets, j’adore. Tiens ce soir je vais à une soirée No Shoes –chacun ses soirées, hein-, je vais m’appliquer sur ma tenue de pieds en pensant à vous, promis. Au moins, si on se croise, vous me reconnaîtrez. Héhé.)

 

Je ne pourrais pas tout vous dire aujourd’hui. Je vais essayer d’aller à l’essentiel et de balayer toutes vos inquiétudes... N’hésitez pas à m’écrire si vous avez besoin de précisions mesdemoiselles (ou à réagir, je vous attends sur Facebook !)

 

Petit un : le bien connu « Ouah mais je ne maîtrise plus rien !!!!!!!!!! »


Je m’en souviens très bien, c’était en juin l’année dernière. J’avais repris mon premier petit kilo, un petit kilo de beauté ! Et je recommençais tout doucement à manger. Mais il fallait que je sois seule. Quelle honte de manger devant les autres ! A table, au-dessus de ma tête clignotait, c’était obligé, une gigantesque flèche. « ANOREXIQUE », la flèche criait.

J’étais persuadée que le monde entier scrutait chacune de mes bouchées. Je devais donc faire honneur à mon statut, en ne mangeant que de la laitue.

Ma sœur ne m’avait pas encore vue amaigrie. Elle est venue me rendre visite. Je la soupçonnais de guetter les symptômes de la maladie. Alors au restaurant, je n’ai rien voulu avaler. J’avais faim. Bon Dieu, j’avais faim. Je souriais. Non merci. Non merci. Non, pas de plat, pas de dessert, juste une entrée, merci.

Et puis on est rentré. Ma sœur est allée se changer. Ma tête tournait. Je ne sais même plus de quoi on avait pu parler. Avais-je seulement été capable d’articuler une phrase en entier ?

Alors je me suis cachée pour manger.

J’avais faim.

Terriblement faim. Je ne pouvais plus lutter. Je lâchais les vannes, oui... mais cachée.

Et quand j’ai commencé à manger ce jour-là, j’ai eu peur de ne jamais pouvoir m’arrêter. J’ai littéralement paniqué, je me suis mise à pleurer. Affolée, je me répétais : « tu ne maîtrises plus rien ! Tu ne maîtrises plus rien ! »

Plus de boulot, plus de chéri, plus que cette putain de maladie. Qu’allait-il m’arriver si on me l’enlevait ?

Les filles, après cet épisode, j’ai rechuté.

Donc vous allez lire attentivement ce qui suit.

 

Petit deux : l’équation qui tue


Guérir = NE PAS MAITRISER

Maintenant je peux revoir la scène et l’analyser. Parce que mes neurones se sont reconnectés. Ce repas, si j’avais voulu en profiter... et bien j’aurai mangé. Et aujourd’hui je pourrais vous raconter tout ce que ma sœur et moi nous nous étions confié ce jour-là. Mais non, j’étais complètement assommée, renfermée, occupée à gérer...

Il faut que vous compreniez que ce qui définit l’anorexie, ce n’est pas tant la perte de poids que le contrôle du poids.

Vous voulez contrôler.

Au moins ça.

Ca, vous le pouvez.

Vous pouvez décider de ce que vous allez manger. Ou pas.

Contrôler jusqu’à en crever.

Tant que vous ne vous libèrerez pas de ce contrôle, vous ne guérirez pas. Rechute assurée.

100% garanti.

Je n’ai pas commencé par « décontrôler » ce que je mangeais. J’ai commencé par lâcher sur d’autres sujets... J’aime bien faire tout parfaitement. Quand je lis un livre, je lis tout, de la première ligne à la dernière. Mon dernier polar, j’ai sauté trois chapitres. Au Musée, j’aime TOUT voir, et tout lire. Maintenant parfois, je me contente de flâner et de regarder. Sans lire, sans me faire expliquer.

Le dessin qui illustre ma chronique aujourd’hui ne me paraît pas parfait. Je me suis fait violence pour ne pas tout recommencer.

Vous comprenez ?

Si vous voulez guérir, c’est pareil. A bas les repas « légers légers », à bas les repas hyper-équilibrés, calibrés, pesés, mesurés, contrôlés. Un peu de spontanéité !

Et arrêtez de vous peser. Votre prise de poids, non, vous ne la contrôlerez pas. Alors laissez tomber, et mangez !

 

Petit trois : l’archi-connu « Mais même en contrôlant, je grossis !!!! »


Vous prenez du poids en ne mangeant que des aliments « autorisés » ?

Alors qu’est-ce que ça va être, n’est-ce pas, le jour où vous allez enfin vous lâcher ! Je ne vous raconte pas !

Allez, allez, respirez et lisez ce qui suit (c’est la prof de SVT qui parle ici) :

Votre corps pour fonctionner a besoin d’énergie. Cette énergie, vous le savez, il la puise dans ce que vous mangez. Les aliments que vous ingérez sont digérés puis assimilés (ce sont les fameux nutriments qui passent dans le sang) et votre super corps les utilise pour faire fonctionner ses cellules, pour les réparer, les renouveler, les mettre en mouvement tout ça tout ça. Il fait aussi des stocks, qu’il utilise tout au long de la journée (vous ne passez pas votre vie à manger, on est bien d’accord) ou en cas de restriction.

Les aliments que vous ingérez apporte une quantité d’énergie que l’on mesure en calories.

Il faut que vous compreniez ceci :

1 Calorie de laitue = 1 Calorie de Coca = 1 Calorie de flan = 1 Cal de steak et je peux continuer à l’infini

Simplement, pour avoir le même nombre de calories, il faudra beaucoup de laitue, et peu de Coca.

Pour prendre du poids, c’est tout simple, il faut apporter plus d’énergie (plus de calories) au corps qu’il n’en consomme.

Exemple : je mange quinze kilos de laitue par jour, et je ne bouge pas une oreille de la journée (là, pour visualiser c’est facile, imaginez un panda heureux, c’est-à-dire dans un eucalyptus : c’est exactement ça). Dans ce cas, j’ai mangé plus de calories que je n’en ai dépensé, donc je grossis. Avec de la laitue oui oui !!!

PS : ceci est un exemple, il n’est pas recommandé de manger 15 kilos de laitue par jour. Par contre, si vous y arrivez, je veux bien recevoir un petit mail, pour que je puisse vous féliciter.

Autre exemple : je mange super équilibré, jamais de gras, jamais de sucrerie, et je me suis bien reposée. Au total j’atteins les 2000 Cal, soit plus que ce que j’ai dépensé, alors je prends du poids.

OUI MAIS JE SUIS FRUSTREE ! Et surtout je ne guéris pas ! Guérir, c’est manger normalement. Qui ne mange jamais de gras, jamais de sucreries ?

Donc je peux atteindre les 2000 Cal en remplaçant 3 kilos de laitue par... je ne sais pas... une cuillère à soupe d’huile d’olive pour l’assaisonner ?

Et sachez enfin, que si 1 calorie = 1 calorie, la laitue apporte aussi des micro-nutriments (des nutriments en toute petite quantité) dont votre corps a besoin pour fonctionner. Mais l’huile d’olive aussi. Et le flan pâtissier aussi. Manger équilibré, c’est manger varié, pas frustré. OK ?

 

Petit quatre : Ok, ok mais quand est-ce que ça va s’arrêter ?


Une de mes plus grosses peurs au début, c’était de grossir à l’infini. J’allais devenir obèse, c’était sûr. Un énorme tas, je ne vous raconte pas. Je me disais en plantant ma cuillère dans mon flan pâtissier et en le voyant trembler que c’était une splendide métaphore de mon futur moi.

L’horreur, la métaphore du flan pâtissier. Evitez de visualiser.

Sauf que c’est faux. Votre poids, il va se stabiliser. Tout seul comme un grand, oui oui, parfaitement.

Votre corps va se réguler parce qu’il y a moins d’urgence à stocker. Une fois les réserves vitales reconstituées, lorsque le bateau ne prend plus l’eau, ça va se calmer. Plus de fringales, plus de pulsions, parce qu’elles ne seront plus vitales.

Attention à celles qui continuent à tout contrôler : les pulsions naissent quand on se frustre mesdemoiselles. Si vous voulez éviter un jour de vous enfiler trois tablettes de chocolat d’affilée, il faut absolument recommencer à en manger.

Il faut s’y h a b i t u e r.

Et le chocolat apporte un super micro-nutriment : le magnésium, et quoi que vous me disiez, ce n’est pas dans votre laitue que vous le rencontrerez.

Et puis doucement, vous allez sentir à nouveau la faim et la satiété et réapprendre à vous écouter. Il y a des jours où vous aurez moins faim, des jours où vous dévorerez.

 

Et puis voilà.

 

Tout simple quoi !

 

Bon week-end !

J'emmène mes chaussettes danser !

 

**

 

 

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commentaires

N
Merci, merci, merci, comme c’est soulageant de te lire
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V
ça me rassure beaucoup ! qu'on peut recommencer à manger sans grossir à l'infini ! je suis en rémission d'anorexie et parfois j'ai des pulsions/fringales (je suis intolérante fructose glucose saccharose, donc mes fringales se portent sur le salé : les cacahuètes et les noix) que j'ai l'impression de ne plus contrôler ! Bon il paraît que c'est normal et même commun... Et que ça s'arrête quand le poids se normalise... merci d'avoir partagé cette expérience !
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A
Merci pour ce billet, qui apporte beaucoup d'éléments essentiels à la compréhension de la maladie (sans une seule calorie !) et beaucoup de soutien également. Lâcher prise, accepter de reprendre des kilos, pas évident, mais comme tu le dis si bien, ce sont des kilos de beauté. :)
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M
Je ne sais pas si c'est croyable, possible ou non, mais il y a encore une semaine je comptais les calories et je ne m'octroyais aucunes de mes envies. LE déclic s'est produit grâce au docteur Zermati et à son livre "maigrir sans régime". Ok, je sais, le titre peut paraître très bizarre, mais c'est normal, il traite de l'obésité, surpoids tout ça. MAIS, et c'est une chose très importante, il se base sur les sensation de faim et satiété. C'est-à-dire qui nous explique que le corps est un régulateur incroyable et que nous avons tous un poids d'équilibre que nous stabilisons sans régimes à la con, sans restrictions, contrôle etc. Depuis que je me suis intéressée à ce sujet, j'ai décidé de lâcher prise et de faire confiance en mon corps. Désormais, je sais que j'ai du poids à prendre, je sais que les calories sont complètement inutiles et que ça m'empêche de vivre. J'ai d'ailleurs totalement arrêté le comptage des calories etc. J'ai l'impression de revivre c'est incroyable ! Je ne me focalise plus sur ce que je mange, ce que je vais manger. Si j'ai faim, et bien je mange. Et le plus important, CE QUE J'AI ENVIE ! Enfin me voilà vraiment libérée. Cependant, je me rends compte que ma faim s'est démultipliée. Je mange, je mange, je mange. Non pas sans faim, mais avec une vraie faim et un réel plaisir de manger ! Je ne me jette pas sur tout et n'importe quoi, sur ce dont j'ai envie et besoin. Je fais confiance en mon corps. Je sais qu'il va se réguler. Je l'ai tellement privé que maintenant il prend un énorme plaisir à accepter ce que je lui donne, et moi aussi !! <br /> Ma faim est donc ++++, mais je sais que tout va se réguler une fois que mon corps aura repris tout ce dont il a été privé. <br /> Article très déculpabilisant et réconfortant pour toute celles qui pensent virer de bord (boulimie). Ce n'est pas de la boulimie, c'est simplement le corps qui se remet à fonctionner et à reprendre ses droits <br /> :) Manger, et vous verrez que tout va se réguler.
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C
Bonjour Marie, <br /> Je suis aujourd'hui dans le cas de la nana qui voudrait grossir mais n'arrive pas s'en sortir, j'aurai aimé partagé avec toi, crois tu (ou d'autres dans le meme cas) pouvoir me donner ton adresse mail afin d'echnager et m'en sortir dans ce combat que je ne maitrise plus enfin si evidemment que je le maitrise puisque je compte tout mais que je voudrais maitriser en reussisant a faire comme toi ou comme l'auteur de ce blog :)<br /> En tout cas un grand BRAVO les filles !!!!
E
Merci infiniment. Je me sentais agitée, triste, paralysée par la crainte de reprendre du poids sans pouvoir m'arrêter..Je traînais sur des sites parlant de métabolismes inexorablement déréglés...Puis je suis tombée sur cet article. Alors merci, merci, merci.
Répondre
S
C'est incroyable, mais tout comme Marie, la "philosophie du Dr Zermati m'a beaucoup aidée à accepter mes compulsions. Hier soir, alors que cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps, j'ai ... dévoré tout ce qui se trouvait à portée de main, ce qui a donné : 3 carrés de chocolat (le blanc saveur amande, de N*... une tuerie!), un muffin à la carotte, une danette à la vanille, une demi-banane, une boule de pain individuel, et j'ai encore réussi à caler quelques cuillérées de semoule à la ricotta... J'ai oublié de préciser que je venais de finir de dîner. Et tout en m'empifrant, je me posais cette question : " souhaites-tu t'arrêter maintenant?" Et je me répondais, en croquant férocement dans mon nième carré de chocolat : "Non!!!". Je me suis arrêtée finalement quand je n'avais plus rien sous les yeux. Après cela, bien sûr, je me suis sentie un peu mal à l'aise... Etait-ce vraiment utile? C'est vrai que ce midi, j'avais peu mangé et honnêtement, j'en avais ressenti les effets. Donc, cette compulsion était justifiée... et méritée. Méritée comme "punition" pourrais-je dire, des privations que je m'étais infligées tantôt, et méritée comme "récompense" : de me sentir bien, d'avoir passé une bonne journée etc. Bref, je suis allée me coucher et j'ai même très bien dormi. D'autant que j'avais cette pensée tranquillisante qui est venue lorsque j'ai éteint la lumière : je n'avais fait qu'appliquer inconsciemment les précepts de Zermati : manger en pleine conscience (c'est le moins que je puisse dire vu que je ne cessais en ingurgitant de me demander si c'était vraiment sage), avec plaisir (j'ai savouré chaque bouchée... ce muffin à la carotte... Mmm...) et puis, une fois mes agapes terminées, je ne me suis pas relevée pour aller chercher une nouvelle plaque de chocolat dans mon frigo. J'étais satisfaite, remplie ( même un peu trop) et calmée. Et j'ai tourné cet événement comme une leçon : à trop vouloir se priver, on finit toujours pas compenser, et souvent de façon assez impressionnante. Donc, je me suis promis que je ne chercherai pas dès le lendemain à compenser ce que j'avais mangé le soir, au risque de revivre le même épisode ( il ne faut pas exagérer, une fois de temps en temps ok! mais pas tous les soirs quand même!). Et ce matin, et bien, j'ai pris mon petit déjeuner sereine, même si, il est vrai, la faim n'était pas vraiment là. Bravo pour cet article plein de justesse! Un dernier mot : faites confiance à votre corps, vraiment. Hier soir, c'est lui qui me guidait, et j'ai eu la sagesse de l'écouter.